La fondation de la F.S.E.
Récit d’un témoin
Toutes les heures, la radio donnait des informations sur les événements de HONGRIE, où un peuple désespéré se battait contre un envahisseur brutal et trop puissant. Et, aux frontières, les peuples libres assistaient, impuissants, à l’oppression de ce peuple, membre de la vieille souche chrétienne et européenne.
C’était à l’ombre de cette tragédie que la petite communauté (quelques dizaines) des «Bündische Pfadfinder» du district «SCHWARZER ADLER» (Aigle Noir) s’était réunie au Foyer Communal de la Jeunesse, à COLOGNE, pour discuter de son avenir.
Depuis quelques mois, on essayait de coopérer avec les «EUROPA SCOUTS» autrichiens. C’était surtout l’idée d’une fédération de dimension européenne qui nous avait fascinés.
Il y avait eu quelques camps et de petites activités en commun, mais le tout se déroulait dans un style qui nous était étranger. C’est pourquoi nous avions invité, à part une délégation autrichienne, notre ami Jean-Claude ALAIN et quelques-uns de ses scouts russes et français.
Jean-Claude nous offrit une petite, mais véritable Fédération, comprenant des représentants d’au moins trois nations d’Europe, alors que les «EUROPA-SCOUTS» de Vienne n’avaient pas, en réalité, de troupes à l’étranger, sauf une ou deux unités en Allemagne.
Et Jean-Claude était un véritable chef, entraînant et plein d’initiative.
Monsieur le Dr. Von PERKO, General-Feldmeister (Commissaire général) des EUROPA-SCOUTS, était différent : un homme gentil, sans doute, mais plus «commissaire» que véritable chef. Ainsi, Jean-Claude fut «notre homme» et j’ai l’impression que cela a été l’élément déterminant.
Chez nous, on connaissait déjà l’idée d’une fédération européenne de scoutisme, esquissée, pour la première fois, par notre ami mort dans l’aventure : Pierre LABAT, le créateur et l’animateur du mouvement «Raider» chez les Scouts de France. Mais chez Pierre, qui avait traité ce thème dans deux de ses romans «Signe de Piste» (Deux rubans noirs et Le manteau blanc), ce n’était encore qu’un rêve pour l’avenir, issu de l’histoire des moines-chevaliers ; tandis que, chez Jean-Claude, c’était déjà un projet avec des éléments concrets. Par ce projet, par ses qualités de Chef, il nous avait gagnés à sa cause sans grande discussion.
Tout cela s’était passé au cours d’une réunion interne, chargée de juger l’offre autrichienne face à celle de Jean-Claude, tenue par deux anciens amis de Pierre LABAT : Karl SCHMITZ-MOORMANN et l’auteur de cet article.
Lorsqu’on se retrouva à nouveau avec les Autrichiens, après cette réunion, pour discuter des caractéristiques d’une fédération éventuelle, la décision était déjà prise. Il s’agissait seulement de le faire comprendre aux EUROPA-SCOUTS, sans les blesser trop, ou, éventuellement, de les gagner à nos idées, ce qui était presque impossible.
Cependant, la discussion s’échauffait et il y eu des menaces qui, bien sûr, ne pesaient pas lourd. Mais les Autrichiens, qui représentaient une association de plus de deux mille membres, considéraient qu’ils nous faisaient une faveur, à nous, petit groupe de moins de cent scouts, en nous proposant de faire partie de leur assez forte organisation.
Après une altercation, Volker, le plus jeune de notre équipe, un garçon drôle et original, entonna brusquement le fameux chant de la Révolution russe : Und dann jagen wir das Pack zum Teufel : General und Ataman (Et nous enverrons au diable la canaille : général et ataman). Et tout notre monde reprit la mélodie et le texte bien connus. En entendant ce chant, le «Generalfeldmeister» Dr. Von PERKO et toute la délégation des EUROPA-SCOUTS se levèrent et quittèrent la salle… Les négociations étaient rompues.
Au cours de l’après-midi, nous, qui étions restés, avons mis au point, en commun, les bases constitutives des «Scouts d’Europe», de la «Fédération du Scoutisme Européen». Les trois membres fondateurs : Jean-Claude ALAIN, Karl SCHMITZ-MOORMANN et l’auteur de cet article ont signé l’acte de fondation.
C’est là que commence l’histoire des différentes fédérations ou associations de Scoutisme Européen. L’idée de garder et d’approfondir le Scoutisme des origines, tel qu’il a été conçu par B.P., s’est unie à une nouvelle et importante dimension : une fédération européenne.
La réunion de ces deux idées fondamentales détermine le caractère spécifique du «Scoutisme Européen» qui se distingue ainsi, de façon très nette, des grosses associations nationales, qui revendiquent pour elles seules le monopole du scoutisme.
Karlhermann BERGNER (Oftersheim/R.F.A. - 1986)